DROIT DE REPONSE D'EMMANUEL RATIER

 

A la suite de mon article sur "Les frères invisibles", Emmanuel Ratier, que j'ai cité m'a écrit. Je vous livre ses impressions à l'état brut:

 

Monsieur,

ce n'est pas parce que je peux avoir certaines convictions personnelles, qui ont autant de valeurs d'ailleurs que les vôtres, que mon travail d'investigation ou d'enquête doit être systématiquement dévalorisé. Je suis par ailleurs diplômé du centre de formation des journalistes, de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire de la carte de presse depuis 1983 sans aucune interruption (n° 52 338). Ce n'est parce que l'on est de gauche que l'on est nécessairement honnête, intelligent ou cultivé. La gauche a d'ailleurs, dans un bel ensemble qu'elle paye rudement aujourd'hui, fait voter pour "supermenteur". Ayez donc un minimum sinon d'objectivité du moins de tolérance vis-à-vis des gens que vous n'appréciez pas. Il faut que vous n'ayez pas lu ma lettre Faits et Documents pour considérer qu'être référencé dans le livre d'Ottenheimer et Lecadre le dévalorise. C'est au contraire parmi les rares éléments fiables de leur livre lequel, effectivement, regorge d'imprécisions et d'erreurs, d'affabulations et d'approximations, voire de rumeurs (ils se sont d'ailleuirs amplement servi de mes écrits... en évitant presque systématiquement de me citer).

Je suis ce que je suis mais en sept ans de parution, je n'ai pas reçu un seul démenti ni n'ait eu aucun procès pour une quelconque information que j'ai pu fournir sur la franc-maçonnerie et ses membres. On peut être hostile à mes travaux mais il est impossible de les tenir pour faux, inexacts, ou tendancieux. Si les obédiences avaient pu porter le fer dans la plaie, en particulier financièrement, elles l'auraient évidemment fait. De même, la légende que vous colportez complaisamment à mon propos comme tenant ou théoricien du "complot judéo-maçonnique" est dépourvue de sens. En 19 ans de journalisme, je n'ai jamais utilisé cette expression qui serait évidemment poursuivie par la justice. Le livre que j'ai consacré au B'naï B'rith n'a jamais été poursuivi par cette organisation (para)maçonnique et est même vendu dans diverses librairies communautaires. Deux des personnes citées ont porté plainte et ont retiré leur plainte la veille du procès au vu des documents que j'avais fourni. Même L'Arche, assez sportivement, a reconnu l'année dernière, dans un article d'une page, que j'étais particulièrement bien informé et fiable (même s'ils n'étaient évidemment pas d'accord avec mes écrits).

En conclusion, vous pouvez ne pas être d'accord avec ce que j'écris (et que vous n'avez sans doute jamais lu), mais il est totalement ridicule de me faire passer pour un farfelu ou un faussaire.

Bien à vous

 

Emmanuel Ratier

Faits & Documents


Mon commentaire sur la prose de M. Ratier :

 

Ainsi M. Ratier possède "certaines convictions personnelles", certes, et personne ne peut lui reprocher dans un état démocratique mais quant à savoir si elles ont autant de "valeurs "que les miennes, il faudrait d'abord définir le concept de "valeurs". Si celles de M. Ratier sont la haine de la différence, la lutte contre les institutions démocratiques, la logique mortifère exprimée de façon insidieuse sur les juifs et les francs-maçons; alors je ne crois pas que les valeurs de ce monsieur soient aussi respectables qu'il le prétend. Il est amusant de constater qu'on n'a pas la fibre modeste chez les nostalgiques du IIIè Reich ou de Vichy puisque M. Ratier affiche ses multiples titres et diplômes : diplômé du centre de formation des journalistes, de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire de la carte de presse depuis 1983 sans aucune interruption (n° 52 338). Il est également très amusant de voir M. Ratier revendiquer la notion de "tolérance", il faudrait que j'en fasse preuve vis-à-vis des gens que je n'apprécie pas (sous-entendu les fascistes) mais M. Ratier devrait peut-être relire sa prose avant de chercher la paille dans l'oeil du voisin. Il est bon de rappeler que ce Monsieur s'est offusqué que le dictionnaire du Scrabble ait "été récemment modifié. Il n'y a plus rien entre Youpie et Youppie. A l'inverse, le Petit Robert recense encore, mais pour combien de temps, le mot youpin" (Fait et Documents, 15 février 1998). Un homme qui regrette la suppression d'un mot ultra péjoratif à l'égard du peuple d'Israël... voilà le parangon de l'homme tolérant !!!

 

M. Ratier m'écrit car il a vu son nom dans le passage suivant : "Parmi les références d'Ottenheimer et Lecadre on trouve la revue Faits et documents publiée par Emmanuel Ratier, un homme réputé d'extrême-droite. Une enquête rigoureuse pouvait-elle colporter les ragots des nostalgiques du fascisme ? Avec Les Frères invisibles, nous ne sommes pas très loin des propos lepenistes sur le prétendu complot judéo-maçonnique !" J'évoquais les propos de Le Pen concernant le prétendu "complot judéo-maçonnique" et pourtant c'est M. Ratier qui se sent visé, tiens donc ! Curieux hasard ne trouvez-vous pas ?

De fait l'expression "complot judéo-maçonnique" n'existe pas dans la prose de M. Ratier mais ce n'est pas par égard envers les Juifs ou les francs-maçons, n'en croyez rien. M. Ratier ne veut tout simplement pas tomber sous le coup de la loi Gayssot (condamnant tous les propos antisémites ou négationistes) loi qu'il juge "liberticide". La loi Gayssot est polémique et remet sur le tapis les deux concepts des Lumières : "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté" (Saint Just) ou "Je ne suis pas d'accord avec vos idées mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez les exprimer" (phrase attribuée à Voltaire même s'il ne l'a jamais prononcée). Pour moi, la loi Gayssot est un pis-aller qui a sans doute évité la trop grande diffusion d'idées mortifères et par conséquent a jugulé en partie le développement du fascisme et du nazisme en France. Sans la loi Gayssot, je suis certain que Le Pen et Mégret auraient obtenu plus que 20 % des voix.

Thierry Rouault juillet 2002