La franc-maçonnerie à quoi ça sert ?

 

 

La composition de la loge

 

La franc-maçonnerie comme toutes les associations loi 1901 fonctionnent avec des statuts déposés dans les préfectures. Chaque loge est dirigée par un président : le vénérable, élu pour trois ans maximum. Les autres fonctions électives sont les suivantes :

- le trésorier qui enregistre les cotisations des frères.

- L'hospitalier qui gère le tronc de solidarité envers les frères nécessiteux.

- L'orateur qui est le garant de la régularité de chaque décision prise dans la loge en fonction du règlement de l'obédience.

- Le secrétaire qui dresse le compte rendu des réunions, il est également le lien entre la loge et l'obédience pour toutes les informations d'ordre administratif.

- Le premier surveillant qui est chargé d'enseigner le symbolisme aux compagnons et doit également les guider dans leurs exposés.

- Le second surveillant qui doit guider les apprentis dans leur découverte de la franc-maçonnerie et qui les encadre dans leurs recherches.

- Le grand-expert qui doit veiller au respect du rituel.

- Le maître des cérémonies qui accompagne les frères conférenciers dans leurs déplacement, de la colonne vers l'orient.

- Le couvreur qui garde la porte de la loge et veille à ce qu'aucun profane n'entre dans le temple.

- Le maître de la colonne d'harmonie qui choisit et diffuse le programme musical au cours accompagnant le rituel.


Le rituel

 

Les francs-maçons utilisent un rituel pour le bon fonctionnement de leurs travaux. Le rituel n'est ni plus ni moins qu'une méthode de travail. Il impose le silence aux apprentis. Ce qui leur permet d'apprendre l'humilité et la mesure du langage. En effet, l'être humain est porté par ses pulsions comme l'a prouvé Freud. Le fait d'être obligé de se taire incite l'apprenti à écouter l'autre tout en gardant pour lui ses critiques. Au bout d'un an, il se rend compte que l'usage de la parole l'aurait incité à dresser son opinion contre celle du frère chargé de faire un exposé. Il accepte les idées d'autrui, comprend leur logique même si elles ne correspondent pas à ses propres convictions. Le rituel maçonnique est l'école de la tolérance. Le rituel impose aux franc-maçons une prise de parole très encadrée. Chaque frère (ou soeur) doit demander l'autorisation de parler au surveillant qui dirige sa colonne. Ainsi, les conversations croisées sont impossibles et chacun peut-être entendu dans le calme. Le frère ou la soeur qui désire prendre la parole n'a pas le droit de s'adresser directement au conférencier. Il (ou elle) doit s'adresser à l'ensemble de la loge pour qu'elle ne se sente pas exclue des débats. De plus, cette méthode empêche l'intervenant de critiquer directement le conférencier. Le rituel fait fonction de filtre des tensions qui peuvent opposer des frères et des soeurs ne partageant pas les mêmes opinions.


 Les rites

 

Les rites caractérisent le style de cérémonie utilisée par une obédience. En France, les rites les plus pratiqués sont :

- Le rite français codifié entre 1783 et 1786 et publié pour la première fois en 1801 dans Le Régulateur du maçon. Il est essentiellement pratiqué par les frères du Grand Orient de France et comporte sept grades. En 1877, l'invocation au Grand Architecte de l'Univers (Dieu, l'Etre suprême, le destin, etc...) a été supprimée et les formules ouvertement religieuses effacées. Les loges bleues travaillent au trois premiers grades : apprenti, compagnon et maître. Il existe également quatre grades de perfection mais ils sont facultatifs et ne constituent nullement une hierarchie supérieure : 4 - maître élu, 5 - maître écossais, 6 - chevalier d'Orient, 7 - souverain prince rose-croix.

- Le rite écossais ancien et accepté a été créé en 1801 à Charleston sous l'impulsion des Frères John Mitchell et Frederic Dalcho, sur la base des Grandes Constitutions de 1786, attribuées à Frédéric II de Prusse. C'est à l'origine un Rite destiné uniquement aux grades qui suivent le grade de Maitre et il n'acquière sa pleine pertinence qu'à partir du 4ème degré.

Il est pratiqué par les frères de la Grande Loge de France mais aussi par les maçons et maçonnes de la Grande Loge féminine de France et du Droit Humain. C'est le rite le plus utilisé au monde, ses trente trois degrés ont séduit les frères et soeurs déistes de quarante-deux pays. Le Grand Architecte de l'Univers est encore en vigueur dans ce rite. Outre les trois premiers grades : apprenti, compagnon et maître, il existe trentre degrés de perfection. Les loges de perfection regroupent les grades suivants : 4- maître secret, 5- maître parfait, 6- secrétaire intime, 7- prévôt et juge, 8 - intendant des bâtiments, 9 - maître élu des neuf, 10 - illustre élu des quinze, 11 - sublime chevalier élu, 12 grand-maître architecte, 13 - chevalier de royal arche, 14 - grand élu de la voûte sacré ou sublime maçon. Les chapitres regroupent les grades suivants : 15 - chevalier d'Orient ou de l'épée, 16 - prince de Jérusalem, 17 - chevalier d'Orient et d'Occident, 18 - chevalier rose-croix. Les aéropages travaillent aux degrés suivants : 19 - grand pontife ou sublime écossais, 20 - vénérable grand-maître, 21 - noachite ou chevalier prussien, 22 - chevalier royal hache ou prince du Liban, 23 - chef du tabernacle, 24 - prince du tabernacle, 25 - chevalier du serpent d'airain, 26 - écossais trinitaire ou prince de merci, 27 - grand-commandeur du temple, 28 - chevalier du soleil, 29 - grand écossais de saint-André, 30 - grand élu chevalier Kadosch.

Enfin il existe trois grades administratifs pour les tribunaux : 31 - grand inspecteur inquisiteur commandeur, les consistoires : 32 - sublime prince du royal secret et le conseil suprême : 33 - souverain grand inspecteur général.

- Le rite écossais recitifié constitué entre 1778 et 1782 par Willermoz, maçon français et figure mythique de la franc-maçonnerie chrétienne et mystique. Ce rite est pratiqué dans quelques loges du Grand Orient de France. Il est très présent au sein de la Grande Loge Nationale Française et majoritaire à la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique - Opéra. Il se compose des loges symboliques de Saint-Jean (apprenti, compagnon et maître), des loges de Saint-André (maître écossais) et de l'ordre intérieur (écuyer novice et chevalier bienfaisant de la cité sainte). La connotation chrétienne est très forte au sein de ce rite.

- Le rite de Misraïm fut créé vers 1813 en Italie, il comprend 90 grades divisés en quatre séries (symbolique, philosophique, mystique et cabalistique). Le rite de Memphis fut créé en 1838 par Marconis de Nègre qui s'inspira de l'Ordre Templier. Ce rite est composé de 95 degrés. Les deux rites ont fusionnés en 1908. Éteint en 1940, le rite de Memphis-Misraïm s'est réveillé en 1956. Il est pratiqué en France au sein de deux obédiences : le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm et la Fédération féminine de Memphis-Misraïm.


Les décors

 

Une des critiques les plus répandues à l'égard de la franc-maçonnerie concerne l'utilisation des décors qui paraîssent désuets pour le grand-public. Les décors qui sont utilisés par les maçons sont : le tablier, les gants et le cordon (réservé aux maîtres). Ces décors sont hérités de la franc-maçonnerie opérative. A l'approche du 21è siècle (le 1er janvier 2001 et non 2000 comme le font croire les médias non férus d'histoire et de calcul !), il paraît curieux que des hommes et des femmes se « déguisent » lors de réunions. Frédéric Dard se moquait gentiment des francs-maçons dans un des ses derniers San Antonio : Trempe ton pain dans la soupe, Paris : Fleuve Noir. Il écrivait : «Sancha Panço vient d'avoir la bouille fracassée par trois dragées grosses comme ton petit doigt. Elles ont été tirées à bord d'un tromblon de poche muni du classique silencieux. Une quetsche dans chaque oeil : gênant pour lire le menu au restaurant. Le troisième au beau milieu du front. Signe maçonnique chers à certains miens amis allant à la messe avec un tablier... ». En fait, les décors permettent de créer une séparation entre le macrocosme (la vie quotidienne, le travail, le métro...) et le microcosme (la réflexion en loge). Le bleu de travail de l'ouvrier et la blouse du médecin relèvent de la même fonction sans prêter à moquerie. L'effet psychologique est immédiat, le maçon (ou la maçonne) qui revête ses décors laisse au dehors du temple les petits tracas qui ont pollué sa journée.


 Les grades

 

Chaque grade a une fonction sur la psychologie du maçon. L'apprenti reste un an à écouter ses frères et soeurs sans parler. Durant cette période il apprend à dominer ses pulsions verbales.

 

Le compagnon a « dégrossi la pierre », c'est-à-dire qu'il a compris l'utilité du silence et peut donc prendre la parole sans risque de blesser le conférencier. Il a le droit de visiter les loges de son obédience ou des obédiences amies.

 

Le maître a acquis le contrôle de sa personne par la remise en cause incessante de ses opinions. En effet, une loge bien construite comprend toutes les opinion politiques, philosophiques et religieuses. Elle doit aussi être un condensé de la société sur le plan socio-professionnel. Ainsi, les préjugés de chacun sont relativisés et les maçons s'enrichissent des différences de leurs alter ego.

 

Les hauts-grades sont facultatifs et servent aux maîtres qui ne se contentent pas des deux réunions mensuelles imposées par le règlement de l'obédience.

 


Le travail

 

Les francs-maçons sont tenus de rédiger des exposés appelés « planche ». En règle générale ces exposés sont aux nombre de deux par an pour les apprentis et les compagnons et un seul pour les maîtres.

 

Les planches d'apprentis n'appellent pas de commentaire, c'est le pendant du silence qui leur est imposé. Les apprentis doivent rédiger une planche philosophique et une planche symbolique. Un temps de parole de cinq minute est alloué aux apprentis pour ces planches. Les planches symboliques traitent des outils maçonniques (équerre, compas, delta...) et surtout de ce qu'ils évoquent à l'apprenti. L'outil est en quelque sorte le signifiant et la réflexion qu'il évoque est le signifié. Cette méthode de travail est aisément rapprochable de la méthode freudienne. La planche philosophique permet d'étudier des sujets aussi larges que la fraternité, l'égalité, la liberté, la connaissance de soi...

 

Les planches de compagnons doivent être plus étoffées car elles doivent durer dix minutes. Les planches symboliques des compagnons évoquent d'autres symboles que celles des apprentis. Pour les planches philosophiques, les sujets sont libres mais les compagnons doivent apprendre à répondre aux questions qui leurs sont posées.

 

Enfin les planches de maître sont celles qui demandent le plus gros travail puisqu'elle doivent s'étaler sur vingt minutes. Les planches de maître peuvent ressembler à des travaux universitaires mais pour qu'elles enrichissent la loge elles doivent permettre de ressentir la personnalité du frère ou de la soeur qui les composent.

Les cérémonies parallèles

Parallèlement aux tenues régulières, des cérémonies familiales se déroulent au sein des loges. Elles ont pour but de faire connaître aux "profanes" les valeurs maçonniques et leur permettent également de se faire une idée du travail en loge.

Il existe trois cérémonies :

1) La cérémonie d'adoption. Elle a pris forme à la fin du XIXè siècle et permet aux enfants de Maçons d'être reconnus par la loge de leur père (ou de leur mère). En cas de décès des parents, la loge s'engage à veiller à l'éducation du "louveteau" (enfant de Maçon).

 

Cérémonie d'adoption, gravure du XIXè

2) La cérémonie de reconnaissance conjugale est née vers 1860. Elle célèbre l'union d'un Maçon avec sa femme (ou l'inverse). Le rituel est rythmé par plusieurs symboles forts au bout duquel le conjoint est reconnu par la loge qui s'engage à lui porter assistance et secours.

 

Cérémonie de reconnaissance conjugale, gravure fin XIXè

3) La cérémonie funèbre. Ce rituel est un hommage à un frère (ou à une soeur) récemment décédé (e). Elle ne peut avoir lieu qu'avec l'accord et en présence de la famille du Maçon passé à l'Orient éternel. C'est une cérémonie très émouvante qui témoigne de l'attachement qui unissent les membres d'une même loge.

 

Cérémonie funèbre au Grand Orient de France

 

T. R.LN. (mars 2000)